Standardisation des extraits de moisissures : la quête du Graal !

mardi 19 novembre 2013 par Dr Alain Thillay1826 visites

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Standardisation des extraits de moisissures : la quête du Graal !

Standardisation des extraits de moisissures : la quête du Graal !

mardi 19 novembre 2013, par Dr Alain Thillay

Analyse immunologique et biochimique des extraits de moisissures pour tests cutanés : statut actuel de la standardisation. : S. Kespohl*, S. Maryska, E. Zahradnik, I. Sander, T. Brüning, M. Raulf-Heimsoth

dans Clinical & Experimental Allergy
Volume 43, Issue 11, pages 1286–1296, November 2013

 Contexte :

  • La prévalence de la sensibilisation aux moisissures atteint moins de 10 % dans la population générale et plus de 25% chez les sujets atopiques et/ou asthmatiques.
  • Afin de poser le diagnostic de l’IgE-réactivité aux moisissures, les tests cutanés et la mesure des IgE spécifiques sont recommandés.
  • Cependant, la concordance des résultats des tests cutanés et des IgE spécifiques est souvent inférieure à 50% et la standardisation des extraits est nécessaire pour obtenir des résultats fiables.

 Objectif :

  • Le but de notre étude était d’analyser les extraits de moisissures pour tests cutanés en ce qui concerne la quantité et la qualité des protéines, le contenu en antigène et la capacité de liaison aux IgE humaines comme prérequis à de plus amples études in vivo à venir.

 Méthodes :

  • Les extraits commerciaux pour tests cutanés, Alternaria alternata, Aspergillus fumigatus, Cladosporium herbarum et Penicillium chrysogenum de six fabricants ainsi que deux extraits en interne d’Aspergillus versicolor ont été étudiés.
  • Ces extraits proviennent des laboratoires suivants : ALK, Allergopharma, Bencard, Lofarma, HAL, Stallergènes, Allerbio, Allergon, Greer.
  • La capacité des protéines et des antigènes à se lier aux IgE a été quantifiée par mesure spectroscopique des protéines selon la méthode de Bradford, par dosage unitaire des antigènes par la méthode de sandwich ELISA et par des tests d’inhibition des IgE par ImmunoCAP.
  • La composition des protéines et la liaison des IgE et des IgG ont été analysées par SDS- PAGE et immunoblot, respectivement.

 Résultats :

  • Les concentrations médianes de protéines étaient similaires dans tous les extraits de moisissures pour tests cutanés (90-110 µg/ml).
  • En revanche, les teneurs en antigènes et la capacité de liaison aux IgE ont montré une grande variabilité avec des valeurs médianes de l’antigène de 4 à 118 µg/ml et des résultats d’inhibition des IgE entre 30 à 95%.
  • Alors que presque tous les tests cutanés d’Alternaria alternata et d’Aspergillus versicolor ont montré une inhibition complète des IgE spécifiques avec des valeurs moyennes > 80%, seuls trois extraits d’Aspergillus fumigatus, deux extraits de Cladosporium herbarum et aucun des extraits testés pour Penicillium chrysogenum ont dépassé les 50% d’inhibition des IgE spécifiques.
  • Les valeurs quantitatives des protéines, les structures antigéniques et de liaison aux IgE n’étaient pas comparables à la qualité des protéines correspondantes ou en immunoblot, à l’exception des extraits pour tests cutanés de l’Alternaria alternata.

 Conclusions et pertinence clinique :

  • Les extraits de moisissures pour tests cutanés ont montré une forte variabilité ce qui soulève la question de la comparabilité et la fiabilité des résultats des tests cutanés.
  • Les conséquences possibles pour les résultats du test de diagnostic seront étudiées dans une étape ultérieure.

Le diagnostic allergologique repose sur une démarche globale. L’allergologue rassemble tous les éléments pertinents, anamnestiques, cliniques et biologiques in vivo, et, éventuellement in vitro, afin d’établir son diagnostic. La qualité des extraits allergéniques est donc primordiale, elle doit passer par une standardisation des allergènes.

La standardisation des allergènes permet la production d’extraits de composition qualitative et quantitative constante et reproductible dont les unités reflètent l’activité.
Les unités sont spécifiques à chaque laboratoire qui a des contrôles internes propres et sont le plus souvent exprimées en indice de réactivité (IR) allergéniques.

Alors que pour les extraits non standardisés l’expression de la réactivité allergénique sera en poids/volume.

Standardiser un extrait allergénique impose une démarche qualité qui va du contrôle des matières premières à l’évaluation de la détermination de l’activité allergénique totale en passant par la standardisation in vivo et vitro.

Toute la difficulté provient du fait de variabilités inhérentes aux matières premières biologiques.

Les principaux extraits ayant fait l’objet d’une standardisation sont les acariens Dermatophagoides, Blomia tropicalis, les pollens de graminées, de Bétulacées, de Cupressacées, d’Ambroisie, de Pariétaire, d’Oléacées, Alternaria alternata, phanères chat et chien et les venins d’hyménoptères, ce qui permet de satisfaire plus de 98% des prescriptions d’immunothérapie allergénique en France et en Outre-mer.

Cette étude allemande avait pour objectif d’évaluer le degré de standardisation des extraits allergéniques commerciaux de moisissures, là où le bât blesse.

En effet, depuis que l’European Medecines Agency a remplacé le concept de « famille taxonomique » par celui de « groupes homologues » basé sur quatre critères, comparabilité des propriétés physicochimiques et biologiques de la matière première, procédé de fabrication de l’extrait allergénique et produits finis identiques, formulation du produit fini et réactivité croisée/homologie de structure entre les allergènes moléculaires, s’est mis en évidence l’absence de groupe homologue particulièrement, entre autres, pour les moisissures.

Cet état de fait oblige les laboratoires à investir dans d’importants développements complémentaires.
Cette étude y contribue.
Pour les extraits allergéniques des moisissures, le constat initial est en effet quelque peu désolant, la corrélation entre tests cutanés et IgE spécifiques est le plus souvent inférieure à 50%.
Plusieurs extraits commerciaux de moisissures classiques ont été évalués.
Les taux en protéines sont comparables entre les extraits par contre les teneurs en antigène et la capacité des liaison aux IgE montrent une grande variabilité.
Dans l’ensemble des résultats, il faut retenir que les extraits d’Alternaria alternata font preuve d’une inhibition complète des IgE spécifiques, il en est de même pour l’extrait interne d’Aspergillus versicolor.
Il faut noter que l’Alternaria alternata est la moisissure la mieux standardisée.
Nous le constatons, comme les auteurs, il reste encore un grand travail de standardisation dans le domaine des extraits allergéniques de moisissures.
Les difficultés de standardisation des extraits fongiques sont dues à plusieurs facteurs.
D’abord, les conditions d’obtention de la matière première comme la température, l’éclairage, la sporulation et la durée des cultures jouent un rôle important.
Il suffit qu’un critère soit modifié pour obtenir une matière première brute déjà différente biologiquement.
Ensuite, la méthode d’extraction peut influencer le contenu final en protéines, antigènes et allergènes.
Le niveau de contrôle de qualité, dernière étape de l’obtention de l’extrait allergénique, est une source potentielle de variabilité.
Cette étude nous montre la grande variabilité des différents extraits ce qui pose la question de la comparabilité des résultats des tests cutanés.
Lors de l’analyse de tout étude concernant l’allergie aux moisissures, il est impératif de connaître précisément l’extrait utilisé ainsi que son degré de standardisation.

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