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Conférence de consensus sur la dermatite atopique : 20 octobre 2004 : Dr Hervé Masson
jeudi 21 octobre 2004, par
A l’initiative des sociétés savantes et des associations de praticiens concernés par la dermatite atopique, une conférence de consensus selon la méthode de l’ANAES a été mise en place. La réunion organisée le 20 octobre permettait aux experts sélectionnés de présenter leur analyse de la bibliographie recueillie au jury et au public. Une discussion entre les intervenants et le public a contribué à compléter les informations mises à disposition du jury.
Les quatre questions posées aux experts et auxquelles doit répondre ce consensus sont :
– Question 1 : Quelle est l’histoire naturelle de la dermatite atopique (DA) , quelle est son épidémiologie, quelles sont ses bases physiopathologiques ?
– Question 2 : Utilité des examens complémentaires pour le diagnostic et la prise en charge de la DA de l’enfant ?
– Question 3 : Quel est le traitement des poussées de la DA de l’enfant ?
– Question 4 : Quelles sont les mesures adjuvantes et les moyens de prévention des poussées de DA de l’enfant ?
– Question 5 : Quelle prise en charge pour les DA sévères et chroniques de l’enfant ?
Chaque expert disposait d’une volumineuse bibliographie récente.
Après cette journée de présentation des données et des argumentaires, le jury va se réunir et élaborer un texte de consensus qui sera diffusé dans quelques mois.
Prise en charge de la dermatite atopique de l’enfant par les dermatologues, pédiatres, médecins généralistes et allergologues : Enquête nationale de pratique.
Sébastien Barbarot, Alain Bauchet, Selma Zaid, Jean-Philippe Lacour et le Groupe de Recherche Clinique en Dermatologie Pédiatrique.
Afin d’évaluer, en préambule, la manière dont la DA est prise actuellement en charge, une enquête nationale de pratique auprès de :
- 100 dermatologues,
- 100 allergologues,
- 100 pédiatres,
- 100 médecins généralistes.
Les praticiens interrogés par téléphone avec été tirés au sort. Seuls 351 sur les 400 ont accepté de répondre aux questions.
L’orateur a alors axé son intervention en divisant les réponses en "Réponses attendues" et "inattendues" selon qu’elle venait ou non conforter nos connaissances intuitives.
– Réponses attendues
Les pédiatres voient plus de DA avant 2 ans : ils ont un fort recrutement dans cette tranche d’âge et la prévalence de la DA dans cette tranche d’âge est importante.
Les dermatologues voient plus de DA sévères : ils sont sûrement sollicités en deuxième intention par leurs correspondants.
Les allergologues ont une approche plus "allergologique" de la DA : 65 % d’entre eux déclarent que la DA est une allergie de cause alimentaire contre seulement 40% des autres médecins.
Les dermatologues semblent utiliser les dermocorticoïdes plus souvent que les généralistes mais aussi que les allergologues. Ceci semble aller dans le sens de leur implication au stade de DA sévère. Ils sont aussi les seuls à utiliser toute la gamme de niveaux d’activité des dermocorticoïdes, en particulier ceux de niveau très fort et très faible.
En majorité, les médecins déclarent arrêter progressivement les dermocorticoïdes mais il existe une variabilité extraordinaire des décroissances.
Les dermatologues utilisent des quantité de dermocorticoïdes plus importantes que les autres et sur un temps plus long.
Les dermatologues et allergologues recherchent souvent une sensibilisation de contact au cours des DA sévères ou d’échec du traitement local. Les pédiatres, et surtout les généralistes, le font rarement.
Les mesures d’hygiène et d’environnement sont conseillées par tous.
– Réponses inattendues
Les allergologues déclarent voir le nombre le plus élevé de DA de tous les praticiens. Ils voient souvent des DA sévères et la durée médiane de consultation est la plus longue (30 minutes)
Les dermocorticoïdes sont utilisés par tous 2 fois par jour, ce qui surprend l’orateur qui estime que la posologie normale est d’une seule fois.
Les préparations magistrales sont très rarement utilisées : 19% des dermatologues et 14 % des allergologues.
Seuls 17% des généralistes utilisent parfois la corticothérapie générale au cours des poussées de DA.
La majorité des médecins déclarent ne rencontrer que rarement de corticophobie dans leur patientèle. Ceci est à comparer aux études questionnant les patients qui retrouvaient des chiffres évoquant une corticophobie chez 72% des parents d’enfants souffrant de DA.
Les indications d’un bilan allergologique sont variables. Ainsi, même en cas de manifestations digestives, de mauvaise prise pondérale ou de manifestations d’autre hypersensibilité immédiate, les dermatologues, médecins généralistes et pédiatres ne font rarement ou jamais pratiquer de bilan allergologique.
Cette première communication de la journée augurait de la diversité des pratiques et des opinions dans le domaine de la DA.
Ce n’était qu’un avant-goût de ce qu’allait être cette journée : passionnante mais déstabilisante
Quelle est l’utilité des examens complémentaires pour le diagnostic et la prise en charge de la dermatite atopique ?
Fabienne Rancé
Le Dr Rancé rappelle que la prévalence de la DA a considérablement augmenté au cours des 30 dernières années pour arriver à 15 à 20 % chez l’enfant et 1 à 3 % chez l’adulte.
Actuellement, l’exploration allergologique n’est que rarement pratiquée. Par exemple, 7,6 % des enfants ayant souffert de DA dans une enquête menée en Midi-Pyrénées.
Il n’existe malheureusement pas encore d’études suffisamment étayées pour définir l’utilité et les critères de tests allergologiques dans la DA. La randomisation n’est pas toujours possible et les recommandations sont souvent basées sur des niveaux de preuve faibles.
Quelques définitions ont été rappelées : Il existe deux formes d’eczéma en fonction de l’association éventuelle à une réaction médiée par les IgE.
L’eczéma atopique est associé à une sensibilisation à IgE représentent 47 à 75 % selon les études. Les patients ont des IgE totales élevées et des tests cutanés positifs pour les allergènes de l’environnement (aériens, aliments).
Les enfants ayant un eczéma non atopique ont un risque plus faible de développer un asthme à l’adolescence. Néanmoins, un eczéma non atopique peut évoluer vers un eczéma atopique.
– Les tests allergologiques : Quand et pour Qui ?
Fabienne Rancé voit diverses situations où le bilan doit être réalisé :
- Enfant souffrant de manifestations associées évocatrices d’un mécanisme allergique : urticaire, syndrome oral ou asthme.
- Bilan allergologique réalisé pour évaluer le potentiel évolutif de l’allergie.
- Dans une étude de Novembre et al, les enfants souffrant de DA mais non sensibilisés ne développaient pas d’asthme jusqu’à l’âge de 11 ans. En revanche, 20 % des sensibilisés précoces et 58 % des sensibilisés tardifs développaient un asthme.
- La DA représente la première manifestation du phénotype atopique. Les formes non allergiques développent rarement un asthme.
- Facteurs associés à la DA et de l’enfant justifiant une enquête allergologique :
- Les antécédents familiaux d’allergie, en particulier maternels. L’étude de cohorte allemande de Bergmann et al démontre que la combinaison d’une DA et d’antécédents familiaux d’allergie est prédictive du développement d’une maladie allergique.
- L’allergie alimentaire associée : plusieurs études montrent que l’asthme et la rhinite sont présents plus fréquemment chez les enfants souffrant de DA avec allergie alimentaire. De plus, le facteur pronostic de la DA semble lié à la présence d’une allergie alimentaire associée.
- La sévérité de la DA. : plusieurs études montrent que la sévérité de la DA est significativement associée à un phénotype allergique.
- La précocité d’apparition de la DA : des études montrent que le début de la DA est significativement plus précoce chez les enfants qui souffriront d’hyperréactivité bronchique.
- Association de facteurs et évolution de la DA : plusieurs études montrent que l’association de plusieurs des facteurs ci-dessus ainsi que la persistance de la DA multiplient le risque de développer un asthme à l’âge de 7 ans.
En résumé, les tests allergologiques sont indiqués quelque soit l’âge s’il existe une DA à début précoce, dont les signes sont sévères et lorsqu’il existe des antécédents familiaux d’atopie. En cas de résistance au traitement, un bilan sera aussi nécessaire.
– Les tests allergologiques : lesquels ?
- Interprétation des tests allergologiques : Pour faire la preuve d’un lien entre un test positif et la maladie, il convient de confirmer par un test de provocation. Dans la pratique, des tests cutanées et des IgE forts permettent de poser le diagnostic sans test de provocation.
- Les Atopy patch tests (APT) sont utiles au diagnostic de la DA ; mais les résultats des études ne sont pas tous favorables.
- plusieurs études montrent que ce moyen permet de diagnostiquer une allergie alimentaire dans la DA dans 35 à 63 % des observations.
- l’allergie alimentaire concerne un sous-groupe d’enfants atteints de DA : forme modérée à sévère, récidivant sous dermocorticoïdes et associé à des signes évocateurs d’allergie alimentaire.
- Les patch tests retrouvent parfois des sensibilisations de contact avec les allergènes de la batterie standard, mais aussi avec les corticoïdes ou les émollients.
- Le test de provocation est l’étalon or du diagnostic en allergie alimentaire. Le double aveugle est préféré. Il ne se fait qu’en structure hospitalière. Une étude a publié récemment les conditions de réalisation de ces tests.
– Les tests allergologiques : Pourquoi ?
- Le bilan est essentiel pour la prise en charge thérapeutique : éviction de l’allergène.
- Les tests allergologiques identifient les DA qui vont guérir.
- Ils identifient les enfants qui développeront d’autres manifestations allergiques.
- Ils précisent les enfants pouvant bénéficier d’une prévention secondaire : la mise en place d’un traitement anti-histaminique chez des enfants atteints de DA et sensibilisés aux aéroallergènes réduit significativement le risque ultérieur de développer un asthme. (Étude ETAC).
A l’issue de cette communication passionnante, la discussion a permis de délimiter deux camps.
Ceux qui pensent que les sensibilisations dépistées chez l’enfant jouent un rôle dans la DA ou dans l’évolution ultérieure de l’allergie ; et ceux qui pensent qu’elle est sans lien direct avec la maladie.
En tant que "vieil allergologue", je me suis vu revenir 15 ans plus tôt à l’époque où les discussions n’étaient pas entre dermatologues et allergologues mais plutôt entre pneumologues et allergologues. À l’époque, nos confrères pneumologues étaient d’accord pour reconnaître la présence d’allergies fréquentes chez les asthmatiques mais ne voyait là aucun lien de cause à effet...
L’éternel recommencement de l’allergologie....
Utilisation des dermocorticoïdes au cours de la dermatite atopique de l’enfant
Frédéric Cambazard
Les corticoïdes ont une triple action : anti-inflammatoire, immunosuppressive et antimitotique.
Ils agissent sur les cellules immunitaires, ce qui explique leur efficacité, mais aussi sur les fibroblastes, les cellules endothéliales, les récepteurs androgéniques ... ce qui explique leurs multiples effets secondaires.
Ils sont classés en 4 groupes d’activités : légers, moyens, forts, très forts.
– Mode d’emploi
La fréquence d’application est en général d’une par jour et idéalement le soir après la toilette pour traiter sur peau propre. Exceptionnellement, en cas de lichénification, deux applications par jour sur une période courte peuvent être envisagées.
Les préparations sont à éviter du fait d’une biodisponibilité imprévisible.
Il semble préférable d’utiliser un corticoïde fort moins longtemps qu’une faible sur une plus longue durée.
Le problème principal est la diminution des applications durant les phases d’amélioration. Chacun a ses habitudes et aucune n’est validée scientifiquement : espacement des applications ? diminution progressive de la surface traitée ? Pas de réponse actuellement à cette question.
L’efficacité se juge sur l’amélioration en moins d’une semaine.
– Effets secondaires cutanés
- atrophie cutanée
- vergetures
- troubles pigmentaires
- vasodilatation permanente : télangiectasies, fragilité cutanée avec purpura. On peut en rapprocher l’acné rosacée, la dermite péri-orale.
- acné du visage
- hypertrichose
- glaucome, cataracte
- eczémas de contact
- surinfections bactériennes, virales, fongiques.
– Effets secondaires systémiques :
Dépression de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien ou hyper-corticisme iatrogène.
– Comment diminuer ces effets secondaires
- Éduquer les patients,
- Utiliser le corticoïde de niveau le plus bas pour la situation clinique
- Ne traiter que les zones atteintes.
Globalement, cette présentation a fait l’unanimité.
L’utilisation des corticoïdes semble relativement consensuelle si ce n’est quelques petites particularités de pratique.
Tout le monde est d’accord pour dire que si le traitement de la DA est bien conduit selon les recommandations actuelles, dans un grand nombre de cas les enfants voient leur état cutanée s’améliorer rapidement, durablement et sans effet secondaire.
Quelles mesures adjuvantes faut-il conseiller au cours de la dermatite atopique de l’enfant ?
Franck Boralevi.
Nous allons ici traiter des mesures prises dans le cadre des DA mais qui ne relèvent pas des dermocorticoïdes et des inhibiteurs de la calcineurine.
– Les soins emollients
Le but d’un émollient est de permettre à la barrière cutanée de retrouver son efficacité et de s’opposer à la perte insensible en eau transépidermique. Enfin, il participe théoriquement à la restauration du pH de la peau.
Il en existe plusieurs types :
- les occlusifs : ce sont des corps hydrophobes qui s’opposent à l’évaporation transépidermique.
- les humectants sont des corps hydrophiles qui permettent de fixer l’eau et de demeurer saturés en eau au contact de la couche cornée.
- les émollients proprement dits remplissent les espaces intercornéocytaires sans véritable action filmogène de surface.
Quelques études ont démontré l’efficacité de certains émollients sur la perte insensible en eau (PIE).
Ce qu’il faut aussi savoir, c’est qu’une étude a porté sur l’utilisation prolongée d’émollient sur une peau saine qui la rendait plus sensible aux irritants. Il faut donc déconseiller ces produits en dehors des cas de xérose sous peine d’aggraver l’état cutané.
En pratique :
- Indications : toutes les formes de DA, dans les phases de poussées comme lors des rémissions
- Posologie : une application quotidienne au minimum
- Choix du produit :
- efficace, au moins sur le plan théorique,
- bien toléré : non irritant et contenant le moins d’agents sensibilisants
- Coût raisonnable.
– Cures thermales
Les études actuelles ne produisent pas de résultats cliniques probants dans la DA mais permettent de donner quelques orientations concernant les mécanismes d’action de certaines eaux thermales.
Il n’existe pas d’étude actuellement sur le patient atopique dans les revues référencées à comité de lecture.
– Médecines d’exercice particulier
Selon les études, un à deux tiers des patients souffrant de DA ont recours à ce type de médecine. En fait, comme dans toute affection chronique pour laquelle il n’existe pas de traitement curatif.
Une étude allemande publiée récemment est intéressante : 26,5 % des adultes ayant une DA ont préférentiellement recours aux médecines dites alternatives (dont 35 % pour l’homéopathie et 16% pour l’acupuncture) ; ces patients sont jeunes et ont un niveau d’études supérieur. Les résultats sont considérés par les patients comme très bons dans 28,6 % des cas, et plutôt bons dans 53,8% des cas ; le coût moyen de ces traitements s’élève à 205 €.
– Vaccinations de l’enfant atopique
- Les vaccinations influencent elles l’atopie et l’évolution de la DA ?
- Une étude récente et solide sur près d’un millier d’enfants a montré que la prévalence de la DA à l’âge de 6 mois et à 5 ans est inversement corrélée au nombre cumulatif de doses de vaccins reçus dans les 5 premières années. La vaccination serait donc bonne pour la DA.
- Le BCG n’aurait, quant à lui, aucune incidence sur la DA.
- Les vaccinations provoquent elles des poussées d’eczéma et doivent elles être évitées si l’enfant a des lésions actives ?
- la réactivation d’une DA par une injection vaccinale est plus de l’ordre de la constatation de pratique quotidienne que du fait scientifiquement vérifié.
- quelques cas décrits pour le BCG font que l’ont évitera de le réaliser en cas de poussée de DA
- Certains vaccins doivent ils être spécifiquement proscrits ou faire l’objet de précautions particulières chez l’enfant atteint de DA ?
- ROR : Une sensibilisation alimentaire est fréquemment rencontrée chez les enfant souffrant de DA : l’œuf.
- Il est désormais démontré que les réactions allergiques au ROR sont dues à la gélatine et non pas à d’éventuelles protéines d’œuf du surnageant.
- Plusieurs études ont montré que il n’existait pas plus d’enfants sensibilisés à l’œuf chez les enfants ayant réagi au ROR que dans la population générale.
- Il existe actuellement 3 vaccins : ROR VAX qui contient néomycine et gélatine, Priorix qui ne comporte ni gélatine ni néomycine et Rouvax , vaccin anti-rougeoleux isolé.
- En cas de réaction anaphylactique, la re-vaccination se fera en milieu hospitalier.
- ROR : Une sensibilisation alimentaire est fréquemment rencontrée chez les enfant souffrant de DA : l’œuf.
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- Grippe et fiévre jaune sont cultivés sur des œufs embryonnés ou des embryons de poulet, les risques pour l’enfant allergique à l’œuf sont donc fondés.