EAACI 2003 : le congrès du Dr Philippe Carré

mercredi 11 juin 2003 par Dr Philippe Carré2400 visites

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EAACI 2003 : le congrès du Dr Philippe Carré

EAACI 2003 : le congrès du Dr Philippe Carré

mercredi 11 juin 2003, par Dr Philippe Carré

Le congrès européen de l’allergologie a lieu, cette année, à Paris. Handicapée par des grèves de transport qui ont empêché certains congressistes de venir, cette réunion annuelle qui fait la synthèse des publications de l’année écoulée a apporté son lot d’éléments intéressants. Chaque jour nous vous offrirons notre choix de communications.

Dimanche 8 juin

L’allergie au venin d’hyménoptères

  Relations entre atopie et allergie aux venins :,
* Conde TA trouve un tiers d’atopiques chez les allergiques aux venins d’hyménoptères, la prévalence de l’atopie augmentant avec la gravité des réactions.
* Par contre, Cadinha S, trouve la même proportion d’atopiques que dans la population générale (20%).

 Comparaison des rushs et des ultra-rushs pour les venins : Erzen R
* L’auteur compare une rush sur 3 jours et une ultra-rush sur un jour chez 116 allergiques (64 guêpes et 52 abeilles).
* Les effets secondaires sont identiques et restent d’intensité modéré.

 Espacement des injections de rappel et évolution des IgE : Giannakopoulos D.
* L’auteur a étudié l’évolution du taux d’IgE spécifiques en fonction de l’espacement des injections de rappel (100µg par mois à une fois toutes les 26 semaines).
* La suppression des IgE induites par le traitement se maintient quelque soit l’intervalle.

Symposium "Aspects fondamentaux de l’immunothérapie".

 Efficacité de l’immunothérapie sublinguale (ISL) : méta-analyse Cochrane : Durham S.
* L’auteur, à partir de la base de données Cochrane, a retenu
** 22 publications randomisées en double aveugle contre placebo,
** dans l’asthme et la rhinite,
** chez les adultes et les enfants
** allergiques aux acariens, aux pollens et autres aéro-allergènes.
* Les principaux résultats sont les suivants : L’ISL entraîne
** une amélioration significative des symptômes,
** une diminution du recours aux médicaments,
** l’absence d’effets secondaires systémiques,
** des effets secondaires locaux très fréquents mais mineurs.
* En séparant les données par sous-groupes, il constate :
** Une différence significative uniquement pour les allergies saisonnières,
** Une différence significative uniquement chez les adultes
** Une différence significative corrélée à la durée du traitement.
* L’auteur conclue que :
** L’ISL est efficace par rapport au placebo
** elle est sans risque
** mais des questions restent posées :
*** Quelle dose optimale de traitement ?
*** Quelle durée optimale ?

Lundi 9 Juin

 Symposium MSD : Leucotriénes : une approche thérapeutique efficace chez l’adulte et l’enfant
* Cette réunion était sous l’égide du Pr Jean Bousquet qui a rappelé que les corticoïdes n’inhibant pas la libération des leucotriènes (LT), les anti-leucotriènes ont un effet additif sur l’inflammation.

* Van Cauwenberge P. a évoqué le rôle des leucotriènes en tant que médiateur commun à l’ensemble des voies aériennes (bronches et nez). On retrouve là le concept d’une maladie systèmique.
* Les leucotriènes ont pour effets dans le nez et les bronches :
** d’augmenter la sécrétion de mucus et diminuer le transport muco-ciliaire,
** d’augmenter l’œdème,
** d’augmenter la libération des tachykinines,
** dans les bronches uniquement : de provoquer une contraction des fibres musculaires lisses.
* Dans la rhinite allergique, fréquemment associée à l’asthme :
** la concentration des LT est augmentée,
** l’administration de LT in situ entraîne l’apparition de symptômes nasaux,
** les antagonistes des LT diminuent les symptômes.
* Les inhibiteurs des LT apparaissent donc comme un moyen thérapeutique, non seulement dans l’asthme mais certainement aussi dans la rhinite associés aux autres traitements classiques.

* Bjermer L. a rappelé que
** les effets des antileucotriènes sont localisés, dans le nez, essentiellement au niveau vasculaire (diminution de la congestion) avec peu d’effet sur la rhinorrhée et le prurit qui sont plus en rapport avec la sécrétion d’histamine d’où l’intérêt potentiel d’associer antihistaminiques et antileucotriènes.
** dans les bronches, par contre, les effets sont localisés surtout au niveau du muscle lisse et de l’épithélium.

* Bisjaard H. a fait le point sur l’action des antileucotriènes chez l’enfant :
** dans l’asthme, les études montrent une hétérogénéité avec des répondeurs et des non-répondeurs,
** dans les sifflements post-viraux, des études préliminaires montrent l’efficacité des antileucotriènes.

 Controverse : les antileucotriènes sont-ils utiles dans l’asthme ?
* Holgate S. a d’abord plaidé en faveur de l’efficacité des antileucotriènes :
** de nombreux récepteurs sont présents dans les voies aériennes,
** leur action anti-inflammatoire est différente de celle des corticoïdes,
** plus de 13 millions de patients ont été traités,
** 23 essais contrôlés ont été publiés (dont 16 chez les adultes) avec efficacité :
*** versus placebo
*** versus corticoïdes inhalés,
*** en addition aux corticoïdes,
*** en addition aux bêta²-mimétiques longue durée d’action.
** l’efficacité dépend de l’hétérogénéité de la maladie et semble en rapport avec des variations de la régulation génétique de la LTC4 synthase (60 à 85% de répondeurs dans les études).
** Au total, pour l’auteur, les antileucotriènes :
*** sont efficaces
*** n’ont pas d’effet secondaires,
*** ont une action sur les voies aériennes inférieures et supérieures (intérêt en cas de rhinite associée)
*** nécessitent une seule prise par jour (meilleure observance)
*** sont actuellement à l’étude dans d’autres indications : séquelles de bronchiolite, rhinite, asthme à l’aspirine…

* Barnes P. a plaidé contre l’utilisation des antileucotriènes. A partir d’autres travaux de la littérature, il signale :
** les antileucotriènes ont une efficacité moindre que les corticoïdes inhalés en terme de fréquence des symptômes et de diminution des exacerbations,
** à partir d’une méta-analyse publiée en 2002 par Ducharme dans le BMJ (13 essais), l’efficacité des corticoïdes est supérieure,
** à partir d’une étude personnelle : pas d’avantage par rapport au placebo en utilisation isolée.
** Il conclue que :
*** les corticoïdes inhalés sont plus efficaces,
*** ils n’ont pas d’effets secondaires plus importants à dose anti-inflammatoire équivalente,
*** leur action anti-inflammatoire est plus puissante,
*** leur coût d’utilisation est moindre.

 Conséquences à long terme de l’asthme : remodelage des voies aériennes
Par Bousquet J.
* Le remodelage des voies aériennes est constant dans l’asthme, caractérisé par une apposition de collagène dans la sous-muqueuse. Il s’accompagne de :
** une prolifération des fibres musculaires lisses,
** une hypertrophie des glandes muqueuses,
** une interaction avec de nombreux médiateurs (en particulier, les facteurs de croissance fibrogènique) et cellules,
* Le remodelage est lié à l’inflammation au niveau des bronches mais pas au niveau du nez, ce dernier étant peu riche en cellules musculaires.
* Le remodelage peut précéder l’inflammation
* Les conséquences du remodelage sont d’entraîner une obstruction bronchique fixée et d’accélérer le déclin de la fonction respiratoire, en corrélation avec la gravité de l’asthme.
* En conclusion :
** le remodelage des voies aériennes est constant dans les bronches,
** il peut être présent avant les premiers symptômes cliniques,
** il est induit par l’inflammation,
** il entraîne des conséquences fonctionnelles à long terme
** d’où l’intérêt de le prévenir par un traitement adapté anti-inflammatoire.

Allergie Médicamenteuse - 10 juin 03

 Anaphylaxie en cours d’anesthésie générale chez les enfants en France : résultats sur 12 ans - Karila C.
* Entre 1989 et 2001, 68 enfants (43 garçons) de 1 à 16 ans ont été explorés après une réaction générale per-anesthésique.
* A Necker où l’étude se déroulait, les auteurs ont constaté une fréquence importante de réactions adverses chez l’enfant : 1/2100 anesthésies générales.
* 46% d’entre eux étaient atopiques.
* Chez 51 d’entre eux, la réaction a été anaphylactique.
* Selon les médicaments utilisés, on retrouve des tests et/ou IgE spécifiques positifs :
** pour les curares : 69%
** pour les hypnotiques : 20%,
** pour les opiacés : 20%,
** pour les colloïdes : 50%,
** pour le latex : 23%
* 75 % des enfants avaient une réaction croisée à plusieurs curares.
* 20 enfants ont eu une nouvelle anesthésie générale tenant compte des résultats du bilan allergologique, aucun n’a eu de réaction anormale.

 Tolérance du Rofecoxib chez des patients avec réaction anormale aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) Hanau A.
* 43 patients dont 37 femmes, d’âge moyen 48 ans, ont été évalués pour la survenue, après prise d’AINS, de :
** angio-œdème ou urticaire : 77%,
** oppression respiratoire 33%,
** flush : 7%,
** rash maculo-papuleux : 5%
* 21 avaient des antécédents de réactions anormales avec plusieurs AINS.
* Tous les patients ont eu un test de provocation orale en simple aveugle contre placebo au Rofecoxib (Vioxx) : 1 seul a eu une réaction urticarienne modérée.
* 30 patients ont eu un test de provocation au paracetamol associé : aucun n’a réagi.
* Les inhibiteurs des Cox2 (ici, le Vioxx) paraissent être des alternatives intéressantes chez les patients intolérants aux AINS.

  Place des tests de provocation médicamenteux dans le diagnostic de l’hypersensibilité médicamenteuse immédiate Demoly P.
* Dans l’hypersensibilité médicamenteuse, une démarche diagnostique globale doit associer :
** l’anamnèse,
** les tests cutanés et biologiques lorsqu’ils sont possibles ou disponibles,
** les tests de provocation médicamenteuse (TP),
* Une étude prospective a été réalisée chez 1125 patients (68% de femmes - 13 enfants) entre 96 et 01 ayant présenté une réaction d’hypersensibilité médicamenteuse dans les 24 heures suivant la prise.
* Les médicaments incriminés étaient :
** Les bêta-lactamines dans 30 % des cas,
** l’aspirine : 14,5%,
** AINS : 11,7%
** Paracétamol : 8,9%
** Macrolides : 7,4%
** Quinolones : 2,4%
* 898 patients ont eu un test de provocation ; les 227 autres avaient, soit une histoire non compatible, soit un bilan allergologique positif (92 avaient des tests cutanés positifs aux béta-lactamines).
* Chez les 898 patients, 1372 tests de provocation ont été réalisés :
** 1131 étaient négatifs, 241 positifs soit 17,6 %
** Le TP reproduit quasiment toujours la réaction initiale, à la fois au plan sémiologique et chronologique,
** le TP est d’autant plus souvent positif que la réaction initiale a été précoce et grave,
** lorsque la réaction est uniquement cutané, le TP est le plus souvent négatif.
* Il n’y a eu aucun effet indésirable grave.
* En conclusion, les véritables hypersensibilités médicamenteuses représentent moins de 20 % des cas suspectés et le TP reste le test de référence pour l’affirmation du diagnostic.