Conférence de consensus sur la dermatite atopique : 20 octobre 2004 : Dr Stéphane GUEZ

jeudi 21 octobre 2004 par Dr Stéphane Guez4416 visites

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Conférence de consensus sur la dermatite atopique : 20 octobre 2004 : Dr Stéphane GUEZ

Conférence de consensus sur la dermatite atopique : 20 octobre 2004 : Dr Stéphane GUEZ

jeudi 21 octobre 2004, par Dr Stéphane Guez

Voici la contribution du Dr Stéphane GUEZ au compte-rendu de cette réunion sur la dermatite atopique.

Une conférence de consensus autour d’une question médicale qui soulève des polémiques est toujours passionnante car elle permet pour une fois, sans langue de bois, de dire publiquement ce que l’on sait réellement ou non, quelles sont les incertitudes qui persistent et de savoir réellement où on en est scientifiquement.

Mais « trop » c’est très déstabilisant, et cette journée là l’était à plus d’un titre car après avoir écouté attentivement tous les experts qui se sont succédés, nous avons l’impression d’en savoir moins que plus sur le sujet.

Sans doute parce que nous voulons toujours avoir, comme nos patients, des réponses claires, précises et rapides sur ce sujet délicat et difficile qu’est la dermatite atopique.

Et bien il va falloir patienter car de nombreuses questions restent sans réponses.

Mais le mérite de ces exposés aura été d’avoir posé clairement les questions qui sont à résoudre pour avancer très concrètement dans la prise en charge de nos patients. A nous de rebondir pour mettre en place rapidement les études cliniques indispensables, avec l’aide de nos petits malades et de leurs parents, pour y répondre.

Pr Alain Taieb

Dermatite atopique : définition, épidémiologie, histoire naturelle, gravité et scores.

Pr. Alain Taiëb.

De plus en plus compliqué, la théorie de la relativité peut s’appliquer à la DA !!

Le terme de DA fait toujours l’objet d’un débat terminologique.

Il a semblé préférable d’abandonner le terme d’eczéma atopique, le mot eczéma regroupant trop d’entités différentes.

Alors que tout semblait clair, un article récent de la World Allergy Association propose le terme...d’eczéma, atopique et non atopique, le mot dermatite regroupant les différentes formes d’eczéma ainsi que d’autres dermatoses. Il n’y a donc plus de consensus sur la terminologie de cette affection.

Mais la définition de cette maladie est plus claire : il s’agit de manifestations inflammatoires cutanées chroniques et récidivantes, associées à l’atopie et répondant à des critères descriptifs internationaux.

L’atopie définie la capacité d’origine génétique d’un patient à fabriquer des IgE vis-à-vis des allergènes communs de l’environnement.

Cependant il existe des DA sans atopie au sens d’une hyperproduction d’IgE !

En fait, actuellement la mise en évidence d’IgE spécifiques dans le sérum est considérée comme un critère diagnostic mineur.

Les critères sont en fait surtout anamnestiques, et il a été démontré, avec une très bonne corrélation avec un examen clinique spécialisé, qu’il était possible de porter le diagnostic positif d’une DA par téléphone.

En ce qui concerne l’évolution de cette affection, chez les plus de 15 ans, 45% de la population atopique a une DA.

Il y a association à un asthme dans 10 à 15% des cas, jusqu’à 40% s’il existe des antécédents familiaux d’asthme, de rhinite ou de DA. Si la DA a débuté avant 1 an, elle a 50% de chance de disparaître à 5 ans.

La notion de syndrome dermo-respiratoire est à nouveau d’actualité, représentant une entité particulière au sein de la DA.

La généralisation des scores, comme le SCORAD, permet de conduire des études cliniques fiables en permettant réellement de constituer des groupes homogènes de patients, et de pouvoir chiffrer l’amélioration ou non du traitement étudié.

Ces scores ont permis de définir des paliers d’intensité croissantes sur le plan thérapeutique en fonction de l’augmentation du score de gravité de la DA.

Curieusement, il n’y a pas encore de consensus sur les termes évolutifs de cette affection dont le caractère principal est la chronicité. Il en est ainsi des termes de : poussée, rémission, intolérance, résistance aux traitements. Il n’y a donc pas encore de proposition codifiée des traitements en fonction de ces différentes évolutions.

Enfin, en ce qui concerne la qualité de vie, la DA a un fort retentissement négatif, avec une bonne corrélation au SCORAD, démontrant que lorsque l’affection est bien contrôlée le patient vit mieux son affection.

Le PR Taieb est un spécialiste mondialement reconnu de la DA.

Il a donc exposé les données les plus récentes sur cette affection avec un recul lié à sa grande connaissance de cette affection.

Le problème terminologique qu’il a soulevé en début d’exposé est important car cela reflète l’incertitude actuelle sur la physiopathologie de cette affection.

Une donnée peu connue et l’existence d’une DA chez 45% des adolescents atopiques. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes de prise en charge thérapeutique toujours difficile à cet age.

La généralisation du SCORAD devrait permettre dans les prochaines années de définir de façon plus fine des schémas thérapeutiques codifiés pour prendre en charge les patients atteint de DA.


Pathogénie de la DA.

Pr. Jean-François Nicolas.

Pr Jean François Nicolas

Pas de pot, le lymphocyte T aime la peau !!

La pathogénie de cette affection reste incertaine car il y a très peu de travaux expérimentaux.
On sait qu’il s’agit d’une maladie inflammatoire chronique, soit d’origine allergique (DA extrinsèque) soit d’origine auto-immune (DA intrinsèque).

Les manifestations cutanées résultent d’un état génétiquement programmé (atopie) qui associe une facilité de sensibilisation IgE vis-à-vis des molécules de notre environnement avec des manifestations ORL et respiratoires.

Pour certaines maladies atopiques, les IgE jouent un rôle essentiel.

Pour d’autres, il y a certes des IgE, mais c’est le lymphocyte T qui intervient principalement : il en est ainsi de l’asthme et de la DA. Et ces mêmes lymphocytes vont induire une inflammation à polynucléaires éosinophiles.

L’inflammation cutanée dans la DA est due à une infiltration par des LT qui sont activés.

En fait il existerait une rupture d’équilibre entre des réponses de tolérance vis-à-vis d’auto antigènes ou d’allergènes de l’environnement, et des réponses effectrices responsables des lésions cutanées. Si la rupture de tolérance porte sur les auto antigènes il s’agit d’une DA intrinsèque, si c’est une rupture de tolérance sur les allergènes il s’agit d’une DA extrinsèque.

Toute l’histoire naturelle des maladies atopiques peut s’expliquer par une succession de rupture ou d’acquisition de tolérance expliquant que l’atopie débute par la DA puis qu’il y ait ensuite allergie alimentaire puis asthme avec parallèlement amélioration de la DA et disparition d’un grand nombre d’allergies alimentaires.

Les lymphocytes T au niveau de la peau sont spécifiques d’antigènes cutanés : soit antigènes en contact avec la peau, soit auto antigènes ou antigènes liés à des micro-organismes. Les facteurs déclenchant les poussées sont nombreux et variés : infection, médicament, alimentation, stress, polluant, facteur de contact.

Comment se fait l’immunisation initiale ? Par voie cutanée ? Par l’intermédiaire des muqueuses digestives pou respiratoires ? Il y a peu de données car pas de travaux expérimentaux.

Comment de met en place une poussée de DA ? Pas de réponse non plus.

Le schéma proposé sur le plan physiopathologique est actuellement le suivant :

  • l’allergène franchit la couche cornée du fait d’une perméabilité anormale.
  • Puis il est lié par la cellule dendritique, et porté au niveau des ganglions. Il y a alors prolifération lymphocytaire T, lymphocytes qui gagnent la circulation générale.
  • En raison certainement de l’expression de molécules de domiciliation, ces lymphocytes T vont gagner la peau.
  • Le cheminement est le même pour les allergènes qui pénètrent par voie muqueuse et gagnent les cellules dendritiques après un passage dans la circulation. Tout le problème est de mettre en évidence et de comprendre pourquoi les lymphocytes T expriment des molécules de domiciliation qui les conduisent à gagner de façon spécifique la peau.
  • Une régulation essentielle à lieu au niveau du ganglion lymphatique : en fonction des messages donnés par la cellule dendritique, il y aura ou non prolifération et activation des lymphocytes T, avec ou non production de lymphocytes T régulateurs.

Il reste maintenant a intégrer sur ce schéma, les données concernant les sous populations TH1 et TH2, ainsi que les études récentes sur les phénomènes d’apoptose des kératinocytes.

Les choses ne sont pas simples car initialement la réponse est de type TH2 mais ensuite plutôt TH1 ! Pendant la phase de sensibilisation l’ensemble des cellules de la peau : cellules dendritiques, LT, mastocytes, éosinophiles vont porter des IgE spécifiques. Lors d’un nouveau contact avec l’allergène il y aura activation de l’ensemble de ces cellules avec libération de médiateurs et de cytokines.

Ainsi, la physiopathologie de la DA s’oriente plutôt vers un mécanisme de rupture de tolérance puisque l’homme est fait pour vivre dans un bain constant d’allergènes.

Cette tolérance résulte de phénomènes actifs. Une meilleure connaissance de ces phénomènes de tolérance permettra de novelles perspectives thérapeutiques.

L’intérêt de cette présentation a été de comprendre l’articulation entre des réponses à IgE et des réponses lymphocytaires T qui sont intimement liées.

La notion de molécules de domiciliation permet d’expliquer le lien entre la pénétration d’un allergène au niveau digestif et son retentissement au niveau de la peau.

Le concept de rupture de tolérance est très séduisant car c’est le seul qui permette d’expliquer l’évolution de la maladie atopique au fil du temps chez un même patient.

Par contre on reste sur « sa faim » concernant les facteurs qui influencent cette tolérance en terme positif ou négatif.

Il est essentiel dans les années à venir de découvrir ces facteurs dynamiques qui permettent une tolérance vis-à-vis des allergènes communs de notre l’environnement.


Place des immunosuppresseurs topiques dans le traitement de la dermatite atopique de l’enfant.

Pr. Yves de Prost

Si un traitement immunosuppresseur par voie générale est mal toléré collez le sur la peau, ça peut rapporter gros !

Cela fait quelques années déjà que les traitements immunosuppresseurs sont proposés dans la dermatite atopique mal contrôlée par les dermocorticoïdes ou par la corticothérapie par voie générale.

Les premiers essais ont porté sur les immunosuppresseurs par voie générale comme la cyclosporine.

En raison de nombreux effets indésirables il a été proposé d’essayer ces traitements directement sur la peau comme cela avait été fait pour les corticoïdes. Le gel de cyclosporine a montré ainsi une efficacité, mais modérée et très inférieure à celle des dermocorticoïdes.
Ceci sans doute en raison d’une mauvaise diffusion locale avec peut être une dégradation métabolique au niveau de la peau.

D’autres produits sont apparus simultanément ouvrant des perspectives thérapeutiques beaucoup plus intéressantes. Il s’agit de dérivés des macrolides : le tacrolimus et le pimecrolimus (non disponible en France).

Le mode d’action de ces 2 molécules est le suivant :

  • lors de l’interaction entre l’allergène et le lymphocyte T, il y a libération de calcium qui se lie à la calmoduline, qui va alors activer une phosphatase, la calcineurine qui en passant dans le noyau cellulaire va donner les « ordres » de transcription de la synthèse des cytokines.
  • Ces médicaments inhibent cette calcineurine, donc vont diminuer l’activation et la prolifération des lymphocytes T, diminuer la production des cytokines, et inhiber également les cellules dendritiques, les éosinophiles, les mastocytes et les basophiles.
  • L’efficacité clinique a été démontré par de très nombreuses études (plus de 13000 actuellement...).

Pour le Tacrolimus :

  • Il s’agit d’études d’une durée de 6 semaines à 1 an.
  • Les effets secondaires sont minimes, surtout à type d’irritation cutanée transitoire pendant 2 à 5 jours.
  • Il n’y a pas d’augmentation du risque infectieux local.
  • Par contre il existe un doute sur une augmentation possible du Kaposi-Juliusberg c’est-à-dire le développement d’un herpès sur l’eczéma.
  • La posologie est de 2 applications par jour sur les zones atteintes.
  • L’efficacité est spectaculaire et très importante avec des guérisons.
  • Il n’y a pas d’effet d’inhibition sur l’efficacité des vaccinations.
  • Le risque carcinogène à long terme n’est pas connu.

Le Pimecrolimus est une molécule plus récente disponible dans toute l’Europe sauf en France !

  • Elle peut être prescrite chez le nourrisson dés l’age de 3 mois.
  • Elle existe sous la forme d’une crème.
  • Par rapport au Tacrolimus, on ne retrouve pas le médicament au niveau des ganglions, et il n’y a pas d’action sur les cellules CD1.
  • Il y a peu d’études versus corticoïdes et encore peu d’études à long terme.
  • Par contre les travaux ont montré une très bonne efficacité clinique.
  • Par rapport aux corticoïdes, il n’y a pas d’atrophie cutanée (visible surtout au niveau du visage chez les adolescents avec les dermocorticoïdes), il y a également beaucoup moins de sensation initiale de brûlure.

Les avantages de ces médicaments immunosuppresseurs par rapport aux corticoïdes sont nombreux :

  • pas d’atrophie cutanée
  • pas de risque de vergetures lors de l’application au niveau de l’eczéma des plis
  • possibilité d’alterner et donc de réduire les applications de corticoïdes
  • prévention des poussées.

Mais :

  • on ne connaît pas la tolérance à long terme.
  • Il y a un risque de développer un herpès.
  • Le prix est de 1 euro le gramme environ.

Les précautions d’emploi sont les suivantes :

  • Contre indication si surinfection herpétique ou si contact possible de l’enfant avec des adultes ayant un herpès
  • Prudence au niveau des expositions solaires pour éviter le risque possible ultérieur d’un cancer cutané
  • Il n’y a aucune étude concernant une application simultanée de dermocorticoïdes et de tacrolimus, donc il faut éviter cette association.

Le problème majeur est le suivant :

  • tous les patients finalement sont résistants aux corticoïdes puisqu’il y a rechute de la dermatite atopique des que l’on arrête ces traitements
  • donc il y a une indication large à l’utilisation de ces nouveaux traitements immunosuppresseurs, en particulier du pimecrolimus, qui est beaucoup mieux toléré avec moins de risques immunosuppresseurs potentiels
  • mais cette molécule est inexplicablement non disponible en France.

Cet exposé dynamique et très clair a permis de se faire une idée de l’intérêt de ces nouvelles molécules dont malheureusement la prescription en France est limitée aux dermatologues et aux pédiatres.

Le nom commercial du tacrolimus est Protopic, et il est indiqué chez l’enfant à partir de 2 ans sous la forme concentrée à 0.03%.

Si cet exposé est convaincant sur l’intérêt de ces molécules par rapport aux dermocorticoïdes il reste que l’effet à long terme n’est pas du tout appréhendé en particulier le risque d’avoir une augmentation des cancers cutanés aussi bien baso que spinocellulaires.

Il est donc logique et prudent de limiter la prescription actuellement et de bien suivre ces enfants pour dépister au plus tôt un effet indésirable tardif.

On peut cependant regretter la frilosité des autorités de santé empêchant l’utilisation en France d’une molécule plus sûre, le pimecrolimus (Elidel).


Quelle est la place des thérapeutiques non immunosuppressives dans le traitement de la dermatite atopique.

Dr. Patrice Plantin

Perlinpinpin, le nouveau laboratoire qui monte dans les traitements adjuvants de la dermatite atopique

De nombreux traitements sont proposés en association aux dermocorticoïdes, mais sont-ils réellement efficaces ?

Les antihistaminiques :

  • Ils ont été proposés depuis longtemps pour traiter le prurit qui est un des signes fonctionnels majeurs de la DA et qui est très invalidant pour le patient.
  • Une méta analyse des travaux publiés avant 1999 montre que les antihistaminiques sédatifs ne sont pas actifs dans le prurit en particulier nocturne. Ils n’ont par ailleurs aucun effet sur l’évolution de la DA elle-même.
  • Des études plus récentes nuancent cette efficacité sur le prurit qui serait démontrée pour le Telfast, mais sans influence sur le devenir de la DA.

AntiH2 et antidégranulants :

  • Il n’y a aucune étude permettant de juger de leur efficacité réelle.

Anti-infectieux :

  • On sait que la peau du patient atteint de DA est colonisée par de très nombreux staphylocoques (plus de 80% des enfants).
  • Les antibiotiques sont efficaces dans la réduction de cette colonisation mais cela n’a aucun impact sur l’évolution de la DA.

Antiseptiques :

  • Il y a des études contradictoires sur l’intérêt de ces molécules sur le devenir de la DA même s’ils ont effectivement une efficacité sur la réduction de la colonisation bactériennes cutanée.
  • Mais des études ont prouvé qu’en fait les dermrocorticoïdes réduisent aussi bien que les antibiotiques et les antiseptiques cette colonisation bactérienne cutanée.

Donc il ne faut désinfecter qu’en cas d’infection cutanée avérée et dans l’objectif de ne traiter que cette infection en sachant qu’il n’y a aucune preuve d’un effet positif sur le devenir de la DA.

Antifongiques :

  • Les études sont très anciennes et méthodologiquement critiquables.

Acide gammalinoléique :

  • Une méta analyse publiée en 2004 montre que l’apport de cet acide gras sous quelques formes que ce soit n’a aucun intérêt.

Les probiotiques :

  • Il s’agit d’un traitement très à la mode dont l’argumentation repose sur les théories hygiénistes.
  • L’objectif est de stimuler les sous populations lymphocytaires TH1 pour diminuer l’impact des sous populations de lymphocytes TH2 impliquées dans le développement de l’allergie.
  • Il semble que les études démontrent un effet positif à long terme mais il y a des problèmes méthodologiques qui diminuent la puissance de ces conclusions.

Au total :

  • L’évaluation de ces traitements adjuvants se heurtent à la limite méthodologique applicable pour mener à bien des études sur ce type de produits.
  • S’il n’est pas démontré d’efficacité sur des populations de patients, on ne peut exclure un bénéfice individuel pour certains d’entre eux.

Il est toujours surprenant et presque vexant de constater que des traitements que l’on utilise tous les jours ne reposent en fait sur aucune base scientifique sérieuse et n’ont pas fait l’objet d’une évaluation.

Il faut cependant relativiser quelque part les études dites scientifique qui s’adressent, de par le protocole rigoureux qui est appliqué, à des patients que l’on ne rencontre finalement jamais dans nos consultations.

Donc on peut continuer à utiliser ces traitements, mais en sachant que d’autres facteurs interviennent certainement comme la relation médecin-malade et sans doute un effet placebo indéniable.


Quelles mesures d’environnement faut-il prendre pour le traitement de la DA de l’enfant et pour la prévention des autres manifestations atopiques ?

Pr. Pierre Scheinmann

Eviction : lorsqu’on sait pas on ne fait pas

Une mise au point récente dans le New England journal of Medicine en 2004 confirme que l’éviction des acariens diminue l’asthme. Mais qu’en est-il de la DA ?

Une étude a montré que si l’éviction est très stricte, il y a diminution des anomalies respiratoires à l’EFR, mais en réalité il n’y a pas de modification en ce qui concerne la sensibilisation appréciée aussi bien sur le plan cutané que biologique, avec paradoxalement plus de plaintes dans le groupe ayant pourtant des mesures d’éviction.

Une autre étude a montré une fréquence plus élevée de la DA dans un groupe d’enfants exposés par rapport à un groupe d’enfants vivant dans un milieu protégé des acariens.

Si on fait une double éviction à la fois des acariens mais également des aliments les plus immunogènes, il y a une diminution de la sensibilisation aux allergènes inhalés avec moins d’asthme et de rhinite. Mais il faut commencer tôt.

Seulement ces travaux ne font pas état du devenir de la DA, donc on ne peut rien conclure de cette double éviction sur le devenir de la DA.

Les préventions secondaires et tertiaires ont donné lieu à des études très difficiles à interpréter car souvent on parle de l’apparition d’un asthme mais sans préciser le devenir de la DA, ou alors il y a des biais méthodologiques importants (sujets plus sévères dans le groupe traité).

En bref, il n’y a pas de corrélation entre la concentration initiale en acariens et la gravité de la DA.

Beaucoup de problèmes font qu’il n’y a actuellement aucune étude satisfaisante permettant de répondre à la question posée :

  • problème de la non standardisation des mesures d’éviction des acariens
  • risque de rupture des phénomènes de tolérance avec réactions plus graves et plus sévères dans les groupes d’enfants soumis à l’éviction.

Comment interpréter réellement une positivité sur le plan cutanée : sensibilisation ou allergie ? Et quels liens avec la dermatite atopique ?

Cet exposé venant d’une figure imminente de l’allergo-pneumologie pédiatrique a été pour le moins surprenant.

En fait actuellement aucune étude n’a réellement évalué l’efficacité des mesures d’éviction, que ce soit sur la dermatite atopique ou sur d’autres pathologies comme l’asthme ou la rhinite.

Il est donc actuellement très difficile de donner des conseils d’éviction stricts aux parents d’autant que ces mesures coûtent chères.

Le plus sage est de se limiter à un bon contrôle de la literie.


Dermatite atopique de l’enfant et allergie alimentaire : association ou causalité ? Faut-il faire des régimes d’éviction ?

Pr. Gisèle Kanny

L’allergie correspond à une hypersensibilité immune soit à IgE soit non IgE médiée alors par les lymphocytes T.

La sensibilisation est la mise en évidence d’IGE par des tests cutanés ou par la biologie.

L’allergie est l’expression clinique de la sensibilisation.

Il s’agit donc de 2 notions différentes qui ne peuvent et ne doivent pas être confondues.

Quelle est la fréquence de la sensibilisation au cours de la DA ?

  • Elle varie selon les études de 27% à 60%, selon les équipes, les techniques et les produits utilisés.
  • Il existe une corrélation entre DA sévère et sensibilisation à l’oeuf et au lait dont les fréquences sont multipliées respectivement d’une facteur 8 et 4.
  • Mais il y a 3 à 7 fois plus de sensibilisation que d’allergie.

L’enquête SOFRES de l’école de Nancy a montré que la DA est la première expression en terme de fréquence de l’allergie alimentaire.

Quelle est la fréquence de l’allergie alimentaire dans la DA ?

  • De 3 à 60% selon les équipes. Il y a des allergies vedettes : laits, oeuf, poissons, fruits à coque ...
  • Mais 1 tiers des allergies alimentaires vont guérir en général en 1 à 2 ans surtout si cette allergie s’exprime par une dermatite atopique.

L’interrogatoire permet-il d’identifier l’aliment responsable de la DA ?

  • Il le permet seulement dans 11% à 40% des cas. Il est surtout pertinent s’il existe des manifestations immédiates.

Les tests cutanés ont une valeur prédictive positive de seulement 33%. Les patch-tests sont actuellement en cours d’évaluation.

Le taux des IgE spécifiques permet avec plus de certitude de définir les risques vrais d’allergie alimentaire en cas de réintroduction de l’aliment.

Donc le test de provocation orale reste le seul test fiable aujourd’hui pour identifier précisément l’aliment responsable d’une manifestation allergique.

Le test de provocation oral : il peut entraîner soit des manifestations immédiates soit des poussées d’eczéma.

Les mesures d’éviction sont-elles efficaces ?

  • Il est très difficile de mener des études en double aveugle contre placebo. Il faut se baser sur la clinique et le résultat des tests cutanés et des taux d’IgE et surtout sur le test de provocation orale.
  • Mais il faut également savoir repérer le moment de la réintroduction possible sans risque de ces aliments en raison de la perte de l’allergie.

Il est proposé l’algorithme suivant :
 Si DA on fait des tests cutanés.

    • S’ils sont positifs, dosage des IgE spécifiques et en fonction du résultat : soit éviction alimentaire, soit test de provocation orale.
    • Si les tests sont négatifs et si la DA est sévère il est proposé un régime très hypoallergénique :
      • s’il est positif alors un test de provocation oral va chercher à mettre en évidence les aliments responsables.

Quand envisager la réintroduction ?

  • Il faut faire un test de provocation oral.

 Conclusion : Le lien entre allergie alimentaire et DA est à la fois causalité et association. Il faut proposer des régimes ciblés en se basant sur un test de provocation oral.

Point de salut en dehors du test de provocation oral !

Cependant ce dernier ne peut que mettre en évidence un lien de causalité, sans présumer du mécanisme sous jacent.

Il est d’autre part très difficile de mettre en évidence une aggravation d’une DA : il faut garder le malade plusieurs jours en mesurant le SCORAD d’une façon quotidienne, et il ne faut pas qu’il y ait d’interférence alimentaire.

Pendant plusieurs jours l’enfant est nourri avec un régime spécial très pauvre en allergène.

Bref la technique est très compliquée.

N’est -il pas préférable de faire des éviction ciblées d’autant qu’elles ne portent le plus souvent que sur des aliments qu’il n’est pas grave d’interrompre pendant quelques mois puisque, dans la plupart des cas, on pourra ensuite les réintroduire ?


Place de l’éducation thérapeutique dans le traitement de la dermatite atopique de l’enfant.

Jean Marc Chavigny.

Dermatite atopique, galère pour le cancre : école le jour et cours le soir !!

La DA est une affection complexe et chronique qui pose donc des problèmes d’observance et d’application des traitements avec un risque d’épuisement des parents, sans compter la corticophobie de nombreux d’entre eux.

D’où l’intérêt de l’éduction thérapeutique.

Il s’agit d’un processus qui repose sur un diagnostic éducatif, puis sur la définition d’objectifs pédagogiques et après l’application, ils doivent être évalués.

Il y a donc une différence fondamentale entre éducation thérapeutique et un simple conseil au cours d’une consultation.

Les soignants en particulier vont prendre le temps d’écouter le patient et l’idée qu’il se fait de son affection. Il faut tenir compte des croyances du patient.

La démarche éducative nécessite une équipe pluridisciplinaire.

Les résultats de différentes études montrent le plus souvent une amélioration de la qualité de vie, une diminution des hospitalisations, une plus grande consommation de corticoïdes, une diminution du recours au médecin après des séances d’éducation thérapeutique.

Le SCORAD est moins souvent diminué, mais le patient vit mieux avec sa maladie.

Pour que cette éducation se développe il faudrait qu’il existe une codification particulière de cet acte qui est un complément pourtant indispensable à la prescription.

A qui s’adresse cette éducation ? A priori à tous les patients mais pour des rasions de coût et de difficulté de réalisation on la réserve aux affections sévères ou lorsqu’il existe réellement un problème thérapeutique.

L’éducation thérapeutique est enfin une pratique consensuelle et qui ne souffre pas d’objection.

Sauf si ce n’est le temps nécessaire pour la réaliser, temps le plus souvent délivré au titre du bénévolat en l’absence de reconnaissance de cet acte par la nomenclature.

Il faut donc se battre pour faire reconnaître cette éducation, qui nécessite une formation particulière et qui est un complément indispensable pour que les prescriptions servent à quelque chose.