Dupilumab : né sous le signe du cancer ?

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Dupilumab : né sous le signe du cancer ?

Dupilumab : né sous le signe du cancer ?

lundi 6 janvier 2025, par Dr Philippe Auriol

Dupilumab therapy for atopic dermatitis is associated with increased risk of cutaneous T cell lymphoma : A retrospective cohort study Hasan, Iraj et al. Journal of the American Academy of Dermatology, Volume 91, Issue 2, 255 - 258

Le dupilumab, un anticorps monoclonal humain ciblant le récepteur de l’interleukine 4 alpha, est utilisé pour le traitement de la dermatite atopique (DA) modérée à sévère. Des études antérieures ont fait état de diagnostics de lymphome cutané à cellules T (CTCL) après l’utilisation du dupilumab. Cette étude vise à étayer davantage ce risque.

Méthode

  • En utilisant la base de données TrinetX enrichie par les données de 60 organisations de soin de santé, l’incidence des tumeurs malignes cutanées et lymphoïdes, y compris les CTCL, a été comparée entre une cohorte de patients atteints de la maladie d’Alzheimer qui ont utilisé le dupilumab et une cohorte de patients atteints de la maladie d’Alzheimer qui n’ont jamais utilisé le dupilumab.
  • Une deuxième analyse excluant l’utilisation antérieure d’antirhumatismaux modificateurs de la maladie a été réalisée.
  • L’appariement par score de propension a été effectué pour contrôler les covariables.

Résultats

  • Un risque accru de LCT a été constaté dans la cohorte de patients atteints de la maladie atopique et d’une maladie d’Alzheimer ayant utilisé le dupilumab (rapport de 4,1003 avec un intervalle de confiance à 95 % 2,055-8,192).
  • Le risque accru a persisté après exclusion de l’utilisation antérieure d’antirhumatismaux modificateurs de la maladie.
  • Le risque n’était pas accru pour les autres tumeurs malignes cutanées ou lymphoïdes.
  • La plupart (27/41) des cas de LTC ont été diagnostiqués plus d’un an après l’utilisation du dupilumab mais certains dès 6 mois (possible révélation d’une forme en développement).
  • le traitement par le dupilumab a réduit les risques de développer :
    • un carcinome basocellulaire (OR : 0,398 ; IC à 95 % : 0,214-0,74)
    • et le mélanome (OR : 0,498 ; IC à 95 % : 0,256-0,969).

Limitations

  • Il existe un risque d’erreur de classification dans la base de données.
  • La gravité de la maladie d’Alzheimer n’a pas pu être évaluée.
  • L’association entre le dupilumab et le CTCL ne prouve pas la causalité.

Et flûte, il semblerait bien que le dupilumab ne soit pas exempt de reproches.

Reprenons :

  • cette biothérapie extrêmement efficace dans la dermatite atopique dont le retentissement social est énorme a changé la vie de nombreux patients.
  • elle est efficace en un peu plus de six mois dans la majorité des cas
  • ses effets secondaires habituellement décrits par les patients sont plutôt oculaires : conjonctivite et sécheresse oculaire
  • plusieurs études évoquaient un possible risque d’augmentation des tumeur malignes mais sans arguments très francs
  • cette étude est elle au contraire assez étayée : les patients qui souffrent d’Alzheimer et de dermatite atopique traités par dupilumab augmentent sensiblement leur risque de développer un cancer de type lymphome cutané à cellules T

Mais alors qu’est-ce qu’il manque pour que l’on soit certain du risque ?

  • D’abord que l’étude porte sur des populations tout venant et non sur des patients souffrant de maladie d’Alzheimer qui sont notoirement âgés et polymédiqués ce qui est en soit un facteur de risque de cancer (l’étude montre que la la polymédication devant être comparable dans les deux groupes, l’argument n’est a priori pas recevable)
  • Au moins que cette étude soit refaite sur des sujets atypiques "habituels" c’est à dire jeunes voire très jeunes
  • Ensuite, que les ces lymphomes cutanés de type T soit davantage détaillés car les NK ne sont pas les CD8+ ni les CD4+

Et en attendant qu’est-ce qu’on fait ?

  • D’abord éviter de les prescrire en cas de maladie d’Alzheimer car dans cette population le risque est bien étayé
  • Pour les autres :
    • Surveillance cutanée régulière de la peau des patients
    • Avis dermatologique au moindre doute

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