Faut-il interdire le don de sang des patients allergiques aux médicaments ?

vendredi 22 août 2003 par Dr Stéphane Guez5918 visites

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Faut-il interdire le don de sang des patients allergiques aux médicaments ?

Faut-il interdire le don de sang des patients allergiques aux médicaments ?

vendredi 22 août 2003, par Dr Stéphane Guez

Le syndrome d’allergies multiples aux médicaments est une entité récente qui reste énigmatique, aucun processus physiopathologique n’ayant jusqu’à présent proposé une hypothèse satisfaisante. D’ou l’intérêt de ce travail qui ouvre une porte et propose un mécanisme qui pourra conduire à un test biologique assez rapidement.

Le sérum des patients présentant le syndrome d’allergies multiples médicamenteuses (SAM) contient des facteurs circulants de libération de l’histamine. : Asero R, Tedeschi A, Lorini M, Caldironi G, Barocci F. Allergy Unit, Clinica San Carlo, Paderno Dugnano, Italy. r.asero@libero.it dans Int Arch Allergy Immunol. 2003 Jul ;131(3):195-200

Un sous groupe de patients présentant des intolérances aux médicaments montre une propension marquée à réagir avec de nombreuses molécules chimiques antibactériennes n’ayant pas de lien entre elles.

Cet état est nommé syndrome d’allergie multiple médicamenteuse (SAM).

La pathogénie de cette affection reste inexpliquée. Un mécanisme possible serait l’intervention de facteurs non spécifiques libérant de l’histamine d’une façon directe par les cellules mastocytaires et par les basophiles.

 Objectif : Les auteurs ont recherché si de tels facteurs pouvaient être impliqués dans le mécanisme non spécifique conduisant à la libération d’histamine chez les patients atteint de SAM.

 Méthode :
* 38 patients par ailleurs en bonne santé et ayant des antécédents d’urticaire aigue après ingestion de nombreux antibiotiques (18 patients avec un SAM et 20 patients mono sensibilisés (patients contrôles aux médicaments) sur la base des antécédents cliniques et d’un test de provocation orale en simple aveugle avec des médicaments alternatifs, et 20 patients sans antécédents d’allergie médicamenteuse (contrôles normaux) ont eu un test cutané par sérum autologue.
* Les IgE spécifiques pour les bétalactamines ont été mesurées dans le sérum de 25 patients (11 patients avec SAM et 14 patients contrôles aux médicaments) ayant des antécédents d’intolérance à l’amoxicilline.
* Le sérum de 13 patients ayant un SAM et de 5 patients contrôles aux médicaments (tous positifs aux tests cutanés avec le sérum autologue) ont été utilisés pour réaliser un test de libération d’histamine par des basophiles de 3 patients témoins sains.

 Résultats :
* 17 des 18 patients avec SAM (94%) versus 8 des 20 patients contrôles aux médicaments (40%) ont une réaction papulaire et érythémateuse significative lors du test avec le sérum autologue (p<0.05).
* Les réactions cutanées sont généralement plus intenses dans le groupe avec SAM. 
* Pour 1 patient ayant un SAM, le test au sérum autologue n’a pas été réalisable en raison d’un dermographisme.
* Aucun sujet contrôle n’a de test cutané positif avec le sérum autologue.
* Le sérum de 3 des 13 patients (23%) ayant un SAM versus 0 des 6 patients contrôles ayant des antécédents d’allergie médicamenteuse (non significatif) entraîne une libération significative d’histamine par les basophiles des témoins sains.
* Les IgE spécifiques des bétalactamines sont détectées dans le sérum de 1 des 11 patients avec un SAM (9%) versus 5 des 14 patients contrôles médicamenteux (36%) (non significatif).

 Conclusion : La plupart des patients ayant un SAM et plus d’1/3 des patients ayant des antécédents d’hypersensibilité à un seul antibiotique, ont des facteurs histaminolibérateurs circulants. De tels facteurs pourraient jouer un rôle important dans les réactions indésirables médicamenteuses observées chez les patients ayant un SAM.


Dans ce travail, à l’aide d’un test cutané au sérum autologue, les auteurs démontrent qu’il existe chez les patients ayant un syndrome d’allergies multiples médicamenteuses un facteur histaminolibérateur qui est capable d’activer les mastocytes et basophiles de témoins sains in vitro.

Dans cette étude, les auteurs ont utilisé un test particulier qui, il y a quelques années, a permis de démonter l’implication d’auto anticorps dans la physiopathologie de certaines urticaires chroniques.

Le test est fait de la façon suivante : on prélève du sang du patient testé, sang qui est centrifugé. Le plasma est recueilli et va servir à faire un test cutané en prick. Dans ces travaux, il a été montré que ces tests étaient positifs chez certains patients, ce qui traduisait un auto anticorps dirigé contre les IgE ou contre les récepteurs à IgE des mastocytes.

En reprenant ce modèle, dans ce nouveau travail, les auteurs démontrent qu’il existe chez les patients atteints de SAM, un facteur sérique qui entraîne de l’urticaire. Il reste à démonter la nature de ce ou de ces facteurs circulants.

L’idée est astucieuse, d’autant qu’il n’y a pas jusqu’à présent de mécanisme très clair concernant la physiopathologie de ces réactions allergiques multiples aux médicaments.

Malheureusement, la réalisation de ce test est freiné en pratique clinique par la nécessité d’avoir une traçabilité parfaite de ce produit sanguin, avec en pratique un conditionnement réalisé par les centres de transfusions sanguines. C’est la raison pour laquelle ces tests avec le sérum autologue du patient ne sont plus réalisés en dehors d’un programme de recherche.

Il faut maintenant espérer que cette donnée va permettre d’aller un peu plus loin dans la compréhension du SAM et donc dans sa prévention.

Enfin, il faut se méfier des produits dérivés du plasma provenant de ces patients : ils pourraient induire une urticaire chez des patients sains.