Accueil du site > Sciences > Hygiène > L’allergique fait son gras

L’allergique fait son gras
mercredi 23 octobre 2024, par
Les dyslipidémies sont la cause d’une surmortalité importante dans les pays développés. Si le rôle de la nutrition a longtemps été mis au premier plan, l’implication des inflammations chroniques dans l’apparition des dyslipidémies est de plus en plus pointé du doigt. Les auteurs s’intéressent aux dyslipidémies observées chez les patients souffrant d’inflammation allergique chronique. Allergic inflammation triggers dyslipidemia via IgG signalling Nieves Fernández-Gallego, Raquel Castillo-González, Lucía Moreno-Serna, Antonio J. García-Cívico, Elisa Sánchez-Martínez, Celia López-Sanz, Ana Luiza Fontes, Lígia L. Pimentel
L’immunité de type 2 offre une protection contre les parasites et les substances nocives non microbiennes et régule plusieurs processus homéostatiques. Son activation crée une ambiance inflammatoire qui peut précéder ou exacerber d’autres pathologies. À cet égard, l’allergie a été associée à un risque plus élevé d’athérosclérose, qui représente plus de 80 % des décès causés par les maladies cardiovasculaires, la principale cause de mortalité dans le monde.
L’athérosclérose est une maladie caractérisée par l’inflammation chronique des vaisseaux sanguins. D’un point de vue immunologique, l’athérosclérose est principalement médiée par l’immunité de type 1, qui s’oppose à l’identité caractéristique de type 2 de la maladie allergique. Pourtant, plutôt que de contrer l’athérosclérose, l’allergie semble exacerber celle-ci. L’athérosclérose commence tôt dans la vie, généralement associée à la dyslipidémie, progresse lentement et peut rester silencieuse jusqu’à ce que des manifestations cliniques apparaissent sous forme de cardiopathie ischémique ou d’un accident vasculaire cérébral.
La réaction allergique fonctionne en deux temps. Lors de l’exposition aux allergènes, la réaction initiale se déroule en quelques minutes, voire en secondes, via les IgE (voie classique) ou, bien que moins caractérisée chez l’homme, via IgG (modèle murin). Ensuite, l’inflammation tardive se développe des heures, voire des jours, après la rencontre avec les allergènes, et elle est principalement orchestrée par des cellules CD4 Th2.
Si l’on connait déjà le rôle de l’inflammation allergique dans des modifications génétiques dans la synthèse des lipides et en particulier des triglycérides, cette relation reste mal comprise. Ici, nous avons étudié l’impact de l’inflammation allergique dans la dyslipidémie, et l’effet de l’alimentation, dans un modèle murin d’allergie et d’athérosclérose. Des taux sériques élevés de TG ont récemment été identifiés comme un facteur de risque d’athérosclérose subclinique dans l’étude PESA, même lorsque le rapport LDL/HDL était normal.
L’étude porte sur des souris déficientes en récepteurs LDL (LDLr KO), sujette à l’athérosclérose, lorsqu’elle est nourrie avec un régime riche en cholestérol (HC).
Après sensibilisation, les souris LDLr KO sur un régime HC ont développées des niveaux sériques élevés d’IgE et d’IgG1 spécifiques, avec des réponses allergiques aiguës et tardive, caractérisée par une éosinophilie dans la cavité péritonéale (site de contact), et un profil Th2-cytokine caractéristique dans les surnageants des cultures de cellules de rate.
Nous avons prélevé des échantillons de sang à jeun à différents moments de la pathologie allergique : les triglycérides (TG), ont été augmentés dans le groupe allergique après la réaction allergique en particulier entre le 3e et le 7e jour.
La même expérience effectuée chez des souris sans régime HC préalable donne toutefois le même résultat : une augmentation isolée des TG. Cette production lipidique est détectée dans le foie et dans la graisse intra abdominale en lien avec l’activation de Lipin1 et de Srebf1.
Le type de triglycérides produite est particulièrement : l’analyse a montré un groupe de TG avec deux doubles liaisons dans leur composition totale qui ont été associées à une maladie cardiovasculaire (TG 54:2 ; TG 52:2 ; TG 50:2 ; TG 48:2). Le fait que la signature lipidique sanguine unique déclenchée par l’inflammation allergique ait été détectée quelques jours après l’exposition aux allergènes fait postuler que l’inflammation de phase tardive la conduit. Elle semble induite par la voie alternative (à IgG1) du déclenchement de l’anaphylaxie chez la souris et non par la voie IgE classique.
Évaluer la contribution précise de l’inflammation allergique aiguë par rapport à l’inflammation allergique tardive aux niveaux de TG sérique chez l’homme est un défi presque insurmontable. Malgré tout, nous avons montré dans un groupe de 59 patients qu’une réaction allergique induisait également une augmentation des taux sériques de TG quelques jours après la réaction.
Une étude transcriptomique récente dans le sang de 3229 individus du consortium BIOS (Biobank-based Integrative Omics Study) a trouvé une association entre les niveaux de TG et les gènes canoniques d’immunité de type 2.
Bien que les informations relatives à la maladie allergique de ces patients n’aient pas été disponibles, ils ont constaté que les niveaux de TG étaient associés à une régulation à la baisse de la cytokine Th2 caractéristique, IL4, deux gènes des récepteurs IgE (FCER1A et MS4A2) ainsi qu’à des gènes liés aux médiateurs allergiques ou à son métabolisme (HDC, HRH4, CPA3,HPGDS, CYP11A1, PTGER3).
L’hypothèse que nous retenons est que l’augmentation des TG observées à la suite d’une réaction allergique est un des effets d’un mécanisme régulateur qui tente de freiner la réaction allergique en réduisant l’expression des molécules clés de la machinerie allergique.
Très belle étude de physiopathologie que celle-ci :
- nous savions déjà que les maladies inflammatoires chroniques (polyarthrite, recto-colite, diabète, etc.) augmentent le risque cardio-vasculaire.
- j’apprends par cet article que c’est un effet connu classique des profils d’inflammation T1 et non des profils T2 (allergiques) : l’allergique devrait être plutôt protégé des dyslipidémies inflammatoires et en réalité, non.
- les humains allergiques produisent davantage de TG qu’ils ne devraient et les profils de TG produits sont ceux liés aux pathologies cardio-vasculaires
- L’hypothèse de conclusion des auteurs est que ce serait lors de la tentative de notre système immunitaire de réguler l’inflammation T2 que serait enclenchée cette production par le foie et la graisse abdominale des triglycérides néfastes au système cardiovasculaire.
Que faire de ces informations ? Peut-être considérer davantage les pathologies cardio-vasculaires comme la conséquence d’inflammations chroniques plus que comme des désordres alimentaires : ce n’est pas à 50 ans qu’un humain change drastiquement son alimentation et c’est pourtant à cet âge là qu’apparaissent les dyslipidémies.
S’il s’agit de contrôler l’inflammation plutôt que de drastiquement remettre en cause son alimentation il faut revenir sur ce qui est validé :
- dans le cadre des pathologies inflammatoires chroniques : la prise des traitements anti-inflammatoires chronique est primordiale non seulement pour le contrôle de la maladie mais également dans le contrôle des risques cardio-vasculaires.
- l’activité physique régulière (30 minutes d’activité intense 5 fois par semaine) est le moyen le plus simple et le moins coûteux pour réguler cette inflammation chronique.
Je vous laisse, je pars courir.