La migraine, tout dans les IgE ?!

lundi 31 mars 2003 par Dr Alain Thillay7622 visites

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La migraine, tout dans les IgE ?!

La migraine, tout dans les IgE ?!

lundi 31 mars 2003, par Dr Alain Thillay

Les mécanismes physiopathologiques précis responsables de la migraine ne sont toujours pas élucidés. Cela ouvre donc la voie à de nombreuses « interprétations ». Bien sûr, l’allergie n’y échappe pas, c’est tout l’objet de cette étude. Les marqueurs de l’allergie utilisés ici sont les IgE totales sériques et l’histaminémie.

Une corrélation entre migraine, histamine et immunoglobuline E. : P. Gazerani,* Z. Pourpak, A. Ahmadiani,* A. Hemmati & A. Kazemnejad *Neuroscience Research Center, Shaheed Beheshti University of Medical Sciences ; Allergy, Asthma and Immunology Research Institute, Tehran University of Medical Sciences ; Neurology Department of Shohada Hospital, Shaheed Beheshti University of Medical Sciences ; and §Department of Biostatistics, Tarbiat Modarres University, Tehran, Iran dans Scandinavian Journal of Immunology 57 (3), 286-290.

Alors que la migraine affecte environ 15% de la population et que de nombreuses études ont été pratiquées pour découvrir le mécanisme et le moyen de la traiter, la physiopathologie de la migraine est encore méconnue.

La possibilité d’un mécanisme allergique IgE médié et le rôle de l’histamine restent controversés.

 Le but de cette étude était d’évaluer les IgE totales sériques et le taux d’histamine chez des patients migraineux et de l’influence de l’allergie.

 Soixante-dix patients migraineux (18 à 58 ans) sans aura ont été divisés en deux groupes en accord avec leur antécédents allergiques -asthme, rhinite, eczéma, urticaire- (60% avec et 40% sans allergie).

Les échantillons sériques ont été prélevés à jeun sans que soit autorisée la prise d’aucun médicament pendant les deux périodes, d’attaque et de rémission.

Le groupe contrôle était constitué de 45 volontaires sains.

Les IgE totales sériques et l’histamine étaient mesurées respectivement par ELISA et par méthodes fluorométriques.

 La moyenne et le taux d’erreur standard pour l’histamine (ng/ml) et les IgE totales sériques (IU/ml) était respectivement, dans le groupe contrôle de 48,16+/-2,70 et 38,21 +/-3,20, dans le groupe migraine avec allergie de 159,11+/-4,60 et 303,30 +/-42,50 et dans le groupe migraine sans allergie de 105,01 +/-8,50 et 79,07 +/-2,70.

 Les IgE totales sériques étaient significativement plus élevées dans le groupe de migraineux allergiques par rapport au groupe de contrôle et de l’autre groupe de migraineux, suggérant un mécanisme IgE médiée dans la migraine.

 Bien que les taux plasmatiques d’histamine, qui étaient significativement élevés chez les patients migraineux, pendant les périodes de céphalées et pendant les périodes libres de symptômes, lorsqu’ils étaient comparés au groupe de contrôle, indiquait que cette augmentation pouvait entrer aussi bien dans la cadre d’une maladie allergique que dans celui de la migraine où l’histamine joue également un rôle.

 La relation entre allergie et migraine peut être basée, d’une part, sur un mécanisme IgE médié, et, d’autre part, sur le relargage d’histamine qui pourrait jouer un rôle important.

Ainsi, l’éviction allergénique chez les patients migraineux peut constituer un moyen prophylactique simple ou leur traitement.


Cette étude produite par une équipe de Téhéran (Iran) et publiée dans le « Scandinavian Journal of Immunology » cherche à trouver un lien entre l’allergie IgE médiée et la migraine. Il faut dire que cette hypothèse n’est pas toute récente, il me semble avoir lu ce genre d’étude voilà déjà une bonne vingtaine d’années. Et que je sache la physiopathologie de la migraine garde encore son secret intime, c’est le cas des pathologies multifactorielles.

Ici, les auteurs ont sélectionné deux populations de migraineux, d’une part, des allergiques, et, d’autre part, des non allergiques. Les critères retenus pour définir le groupe allergique sont uniquement les antécédents de manifestations d’atopie.

Ainsi, la moyenne des IgE totales sériques est-elle plus élevée chez les migraineux définis en tant qu’allergiques comparée à celles de deux autres groupes, migraineux sans allergie et sujets sains.

Bien sûr, pour l’histamine les auteurs sont prudents car il est bien connu qu’elle est impliquée dans les mécanismes de la migraine.

Tout cela pour avancer qu’il existerait une population de migraineux, les allergiques, qui serait donc accessibles à un traitement classique de l’allergie.

Cette étude comporte trois biais.
* Premier biais, on a le droit d’être migraineux et allergiques, ce n’est pas cela qui prouve qu’il existe un lien. Ainsi, si je sélectionne des migraineux suspects d’allergie, ils ont plus de risque d’avoir des IgE totales sériques élevées. De plus, la différence des taux sériques des IgE entre les deux groupes de migraineux, 159 pour les allergiques et 105 pour les non allergiques, n’apparaît pas vraiment significative.
* Deuxième biais, c’est celui du mode de sélection des sujets allergiques. Nous savons de longue date que les symptômes comme la rhinite, l’asthme, l’urticaire et l’eczéma ne sont pas nécessairement des pathologies IgE médiées. Il aurait fallu faire une sélection sur les antécédents familiaux et personnels, sur des tests cutanés de l’allergie immédiate reprenant les allergènes représentatifs du groupe de sujets et sur les CAP RAST.
* Troisième biais, c’est de prendre comme marqueur d’une réaction allergique les IgE totales sériques, il n’y a pas plus mauvais test dans le domaine, peu spécifique donc trop de risque de faux positifs et peu sensible et donc trop de risque de faux négatifs. Enfin, ne parlons même pas de l’histaminémie, la tryptase aurait été plus appropriée.

Pour les lecteurs désirant faire le point sérieusement sur ce sujet, je conseille la lecture de l’excellente méta-analyse de RH. Kemper et al. (Cephalalgia 2001 Jun ;21(5):549-57) qui fait le point de 45 études publiées entre 1966 et 1999.

Cet auteur conclut, entre autres, que les IgE totales sériques sont plus élevées chez les migraineux atopiques que chez les migraineux non atopiques et que l’histaminémie est constamment élevée chez tous les migraineux.

Le mérite de cette étude aura été de nous rappeler les différents biais que l’on peut trouver dans une étude. La vigilance est toujours de mise.

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